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FOCUS SUR...

EXPOSITION
AIX ANTIQUE, UNE CITÉ EN GAULE DU SUD
MUSÉE GRANET, JUSQU’AU 3 MAI 2015

Depuis la plus haute antiquité, la Gaule méditerranéenne fut une région particulièrement riche en mouvements de toutes sortes. Des négociants étrusques fréquentaient nos rivages et même l’intérieur des terres depuis un bon quart de siècle lorsque des colons grecs originaires de la ville de Phocée en Ionie s’installèrent en 600 avant J.C. sur le site de Marseille. La création de Massalia (Marseille) puis de divers comptoirs sur la côte - Antipolis (Antibes), Nikéa (Nice), Agathé (Agde) - permit aux Grecs d’importer et d’exporter leurs marchandises. Le commerce les intéressait bien plus qu’une vraie conquête et ils entretinrent des relations avec les grands princes hallstattiens grâce aux vallées du Rhône et de la Saône : le commerce de l’étain, essentiel à la fabrication du bronze, arrivait des îles Cassitérides et l’ambre provenait de la Baltique. Les relations économiques et les péages fluviaux firent aussi la fortune des princes comme tend à le prouver le fameux vase grec trouvé à VIX dans la tombe d’une princesse hallstattienne de la haute vallée de la Seine.

En Provence, l’apport grec se traduisit par la connaissance du vin, l’usage du tour de potier, l’architecture en briques crues, les fortifications élaborées, l’introduction de la monnaie et l’adoption de leur alphabet par les celto-ligures. Il reste cependant difficile à l’heure actuelle de bien connaître la morphologie des langues gauloises devant la rareté des documents conservés.

Les relations des Grecs avec les celto-ligures ne furent certainement pas toujours faciles mais la ville de Massalia prospéra, forte de son commerce et de sa connaissance de la mer. Rappelons-nous Euthymènes et Pythéas!

Au IIe siècle avant J.C., les incursions devenant plus importantes en nombre et en force, la ville phocéenne se résoudra à demander l’aide de Rome : juste retour des choses puisque la cité phocéenne avait offert à la République romaine son alliance dans sa lutte contre Carthage. Aussi, que ce soit en 181 avant J.C ou en 154, les Romains prêtèrent main forte contre les tribus menaçantes.

30 ans plus tard, en 125 avant J.C., une coalition de Salyens, de Voconces et d’Allobroges menaça plus sérieusement Massalia. C’est seulement à ce troisième appel que les Romains conquirent tout le Sud. Ce fut l’oeuvre, sur une période de quatre années environ de M.Fulvius Flaccus, de Sextius Calvinus (le fondateur d’Aquae Sextiae en 122 avant J.C.), de Domitius Ahenobardus (le fondateur de Narbonne en 118 avant J.C.) et de Fabius Maximus. La région conquise devint dès lors, à l’exception de Massalia et de ses colonies, une « Provincia romana », en fait, la première province romaine en Gaule, dont elle tire son nom.

C’est le début de l’exposition d’ « Aix antique » qui a lieu au musée Granet jusqu’au 3 mai.

CHRISTINE DE CHIRÉE








ENTRETIEN AVEC
JÉRÔME FABIANI,
CONSERVATEUR
ADJOINT DU MUSÉE GRANET

Jusqu’au 3 mai, l’exposition « Aix antique » permet de mieux appréhender l’histoire de la ville à travers les objets de fouille. Au début du parcours, vous écrivez qu’Aquae Sextiae n’a pas été construite pour les vétérans romains. Sextius Calvinus venait de détruire l’oppidum d’Entremont, la capitale des Salyens, située au nord d’Aix. Aurait-il construit Aquae Sextiae pour les Salyens ?
Oui effectivement, c’est l’hypothèse qui prévaut aujourd’hui. Entremont a été détruite par Sextius Calvinus en 123 avant J.C et l’historien Pline l’Ancien donne à la nouvelle ville créée par Sextius en 122 le nom d’Aquae Sextiae Salluviorum ce qui signifie Aix des Salyens. Entremont n’a cependant pas été complètement abandonnée à cette époque. Les fouilles archéologiques ont révélé une occupation sur l’oppidum jusque vers les années 100 à 90 avant J.C.

Aquae Sextiae possédait un théâtre, deux forums, une ou deux basiliques, un amphithéâtre, complexe dont il reste très peu de vestiges. Les fouilles ont en revanche mis au jour de très belles mosaïques datées du IIe siècle après J.C. à une époque où Aix semble moins importante au niveau de l’activité architecturale. Comment expliquer ce phénomène ?
A l’époque romaine, les bâtiments publics comme les théâtres, forums, basiliques ou amphithéâtres étaient essentiellement construits grâce aux fonds privés. C’était un devoir pour les citoyens les plus riches et les plus puissants d’embellir leur ville. Cet évergétisme existait déjà à l’époque grecque et bien entendu, les notables attendaient en retour une compensation sous forme de charges administratives ou d’élévation dans la hiérarchie sociale jusqu’à obtenir le statut de citoyen. C’est cela qui explique l’élévation de nombreux monuments jusqu’à la fin du 1er siècle après J.C. par des hommes qui descendaient certainement des Salyens. Si les mosaïques prolifèrent au IIe siècle après J.C, c’est très certainement parce qu’à cette époque, ces hommes ont davantage aménagé leur propre domus.

Vous exposez des urnes en verre soufflé d’assez grandes dimensions qui proviennent de tombes datées du 1er siècle après J.C. Le verre soufflé apparaît dans la deuxième partie du 1er siècle avant J.C. en Syrie antique (probablement du côté de la Phénicie). Pensez vous que les vases exposés, de grand format par ailleurs, sont déjà fabriqués en Provence ?
Les blocs de verre trouvés dans une épave de la Méditerranée tendent à prouver que les Syriens, inventeurs du verre soufflé, ne voulaient pas transmettre le secret de leur fabrication au reste du monde méditerranéen. La fragilité des verres aurait empêché d’ailleurs leur transport. Aussi, les phéniciens exportaient- ils la matière première, non pas en vrac, mais en aggloméré de verre que des artisans verriers de Provence ou d’ailleurs refondaient et soufflaient. Et à Aix fut retrouvé d’ailleurs un four de verrier, prouvant le façonnage de verre dans la région.

CHRISTINE DE CHIRÉE