SEPTEMBRE 2015-AVRIL 2016
LES BONS PLANS
JARDINS
LE GINGKO BILOBA
Histoire du nom :
Le nom de ginkgo viendrait soit d'un mot japonais dérivé du chinois « Gin Yyo » qui peut se traduire par « patte de canard » (allusion à la forme de la feuille), soit d'un mot chinois « yin kuo » signifiant « fruit d'argent ». Le nom d'espèce « biloba » (= à deux lobes) fait référence à la feuille fendue.
Description :
Dernier représentant d'une famille apparue il y a plus de 270 millions d'années, le ginkgo biloba peut vivre plus de 1000 ans. C’est un arbre de taille moyenne à grande, pouvant atteindre 20 à 30 m. Sa durée de vie est très longue, celui du jardin botanique de l'Université de Sendai est âgé de 1.250 ans. Selon le principe de coloniarité de Francis Hallé, le ginkgo est un être vivant potentiellement immortel ; il n'a pas de prédateurs naturels, ni de parasites ou maladies. Les seuls facteurs externes défavorables seraient l'homme, les aléas telluriques ou climatiques.
Culture :
Le Ginkgo biloba est naturalisé dans le sud-est de la Chine dans les monts Tianmushan. Il s'agit d'une espèce cultivée, la version sauvage ayant presque complètement disparu. De là, il arrive au Japon et en Corée aux alentours du XIIe siècle. Il est cultivé par les moins dans l’enceinte des temples et par les jardiniers dans les palais des puissants. Il aime les sols profonds et bien drainés. Engelbert Kaempfer, médecin et botaniste allemand, séjourna au Japon de 1690 à 1692 en mission pour la Compagnie des Indes néerlandaises. Il fut le premier Européen à décrire cet arbre dans son mémoire Amoenitatum exoticarum (1712). Il rapporta des jeunes pousses de ginkgo aux Provinces-Unies et c’est dans le jardin botanique d’Utrecht que le premier ginkgo européen aurait été planté en 1730.
Introduction en France... et à Montpellier :
Le premier pied de Ginkgo biloba est introduit en France en 1788 grâce à Auguste Broussonet (1761- 1807) qui l'a reçu de Sir Joseph Banks (1743-1820). Broussonet, alors à Londres, envoie le jeune pied à Antoine Gouan (1733-1821) qui le plante dans son propre jardin montpelliérain, rue du Carré du Roi. Sept ans plus tard, il en prélève une marcotte qui est plantée au Jardin des Plantes voisin et dont la croissance rattrapa bientôt celle du pied-mère. Mais ces deux pieds comme tous les sujets alors connus, en France et en Angleterre, appartiennent au sexe mâle. En 1814, De Candolle qui dirige le Jardin des Plantes de 1808 à 1816, apprend qu’un sujet femelle existe en Suisse ; il fait expédier des boutures de cet arbre femelle qui, en 1832, sont greffées sur les sujets mâles du Jardin des Plantes et du jardin d’A. Gouan. Les deux arbres sont des clones exacts mâles et femelles par la greffe, donc artificiellement auto-fertiles. Des boutures femelles ont aussi été distribuées depuis Montpellier pour greffer des pieds mâles, plantés depuis plusieurs années, comme celui de Trianon. Ces arbres sont toujours vivants à ce jour.
Multiplication :
Portées par un long pétiole et réunies en bouquets, les feuilles ont la forme caractéristique d'un éventail et mesurent entre 5 et 8 cm. Vert clair puis vert sombre, elles prennent en automne une teinte jaune très lumineuse avant de tomber et recouvrir le sol d'un tapis doré. Les feuilles sont uniques parmi les spermatophytes, puisque formées de deux lobes en forme de palmes et ne présentant pas de nervure centrale comme la quasi-totalité des plantes modernes. Le Ginkgo biloba est une espèce dioïque : un individu est soit mâle soit femelle, on reconnaît parfois l'arbre mâle de l'arbre femelle par son port pyramidal plus élancé. Le Ginkgo biloba ne possède pas de graines. Très chargées en pollen, les inflorescences mâles sont des bouquets de chatons jaunes, de forme cylindrique, à l'extrémité des rameaux latéraux. Les fleurs femelles n'ont pas de pièces florales et sont regroupées par 2 ou 3 au bout d'un long pédoncule. Le mode de reproduction du Ginkgo biloba est tout à fait original. Les étamines produisent le pollen qui est disséminé par le vent. Pour qu’il y ait fécondation, le grain de pollen doit se déposer sur une goutte de liquide située sur un orifice de l’ovule. Cette goutte en se rétractant va faire pénétrer le grain de pollen dans l’ovule. Puis le grain de pollen émet deux spermatozoïdes. L’un d’eux ira féconder l’oosphère, la cellule femelle. Les ovules tombent à terre à l’automne et le tégument externe qui est charnu pourrit en dégageant une odeur nauséabonde. Ensuite, l’embryon se développe sans passer par le stade de dessication caractéristique de la graine ce qui est un caractère archaïque ; Les ovules produits par les pieds femelles mesurent 2 à 3 cm de diamètre. Avant l'automne, ils sont lisses et attirants mais toxiques, notamment la partie charnue du tégument car elle contient de l'acide butanoïque. Ce dernier est à l'origine de l'odeur nauséabonde que dégage l'ovule à l'automne lorsqu'il commence à se rider. (La pulpe de l’ovule provoque des dermatites par simple contact avec la peau, par ingestion des troubles digestifs.) Un ovule fécondé par le pollen d'un autre plant de ginkgo mâle germera, donnant naissance à une jeune pousse, généralement située au pied du plant mère. « La multiplication végétative ne reproduit que le patrimoine génétique de l’individu dont provient la bouture ou la marcotte. La reproduction sexuée permet de nombreuses recombinaisons et donc engendre la diversité génétique. » Phrases extraites de l’article rédigé par François Michaud à l’occasion de la journée d’étude organisée pour les Rendez-vous aux jardins2008. Manuscrit original du poème de Goethe, (Traduction de Henri Lichtenberger) « La feuille de cet arbre, qui, de l’Orient, Est confiée à mon jardin, Offre un sens caché Qui charme l’initié. Est-ce un être vivant, Qui s’est scindé en lui-même, Sont-ils deux qui se choisissent, Si bien qu’on les prend pour un seul ? Pour répondre à ces questions, Je crois avoir la vraie manière : Ne sens-tu pas, à mes chants, Que je suis à la fois un et double ? » On peut voir la lettre de Goethe avec son poème (daté de 1815) et les deux feuilles collées en herbier au Goethe-Muséum de Düsseldorf. Toujours à Weimar, le ginkgo et plus particulièrement sa feuille bilobée est symbole d'amour et de nombreux bijoux, que les amoureux s'offrent, reproduisent cette dernière.