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LES CORRIDAS

L'ESPRIT DE LA CORRIDA

Corrida ! Art ou barbarie ?


Thèmes inconciliables dans un débat stérile.

Prôner la disparition de la corrida pour sauver le « toro bravo » n’est-ce pas en fait œuvrer pour l’extinction d’une race dont l’unique raison d’exister se trouve dans l’art de le toréer ? Cela revient, au fond, à requérir non seulement la mort du « toro de combat », mais aussi celle de toute l’espèce, lui refusant jusqu’au droit d’exister !
En cela, ceux qui la réclament attentent à la vie de ce que d’aucuns regardent comme « la race la plus belle, la plus noble, la plus courageuse, car sa noblesse s’exprime dans sa bravoure ».

Paradoxalement il est vrai, l’existence du toro de combat ne se justifie, à l’évidence, que par sa mort. Il n’est, lui, cependant jamais vaincu, il éprouve seulement sa bravoure jusque dans la mort.
Sauvage, farouche, dominateur, sa soif de combattre est si forte qu’il s’enivre de sa propre violence. Cette violence, cette vaillance, cette bravoure, ce désir de vaincre, cette pulsion secrète qui le meut, c’est en liberté, au milieu des siens, qu’il l’exprime de la façon la plus pure, la plus primitive, la plus agressive, lorsque dans des duels à mort, il combat ses frères pour imposer sa propre domination.
Dans l’arène, c’est au centre de la piste qu’il se sent en état de domination, là l’homme ne dispose sur lui d’aucun avantage, il doit le laisser venir, lui permettre de rechercher le combat, de faire briller sa bravoure, le toro doit charger et l’homme l’attendre, c’est alors que le duel se noue.
A la fois populaire par les rêves qu’elle suscite et « aristocratique » par les hiérarchies qu’elle instaure, il reste que la corrida est un rituel au cours duquel l’inspiration de l’homme compose avec des règles immuables, « concourant à définir une éthique de simplicité et une esthétique du dépouillement ».
Plus que combat formalisé, rempli de symbolique, saturé de réalité certes, mais d’où l’imaginaire et la fiction sont absents, l’homme par son style, par la grâce dans l’allure, par l’interprétation donné à sa « faena », fait du « toro » un art consommé.
Quand, face au toro, muni d’un leurre, il décompose les temps du duel, entraînant le toro dans des figures qui rappellent la danse par son « alegria », mêlant ainsi élégance et audace, quand son impassibilité et la charge du toro s’harmonisent dans ces mouvements semblables à ceux d’un ballet, alors apparaît une forme de magie d’où le « temple » surgit, ce rythme lent fait de profondeur immobile.
Cet art est peut-être moins visible que ressenti, car c’est par l’émotion qu’il suscite qu’il se révèle.


Jacques d’Espine